QUI A PART NOUS : l’adolescence « normale » selon Jonas Trueba

Suivre sur cinq années un groupe d’ados espagnols dans les turpitudes des années lycée, jouir d’une liberté absolue et la partager sur 3h40 avec nous, adorer le cinéma surtout quand il parle d’amour, faire participer les protagonistes à l’écriture d’un film qui nous emmène des parcs madrilènes aux confins de l’Estremadure et de l’Andalousie, voilà le programme mené tambour battant par Jonás Trueba (Eva en août) dans Qui à part nous (en salles le 20 avril). Pour donner naissance à ce documentaire hors-normes, il a pu compter sur Candela Recio, déjà révélation de La Reconquista. Rencontre avec ces deux amigos.

Quelle était votre ambition sur ce projet ? Le tournage devait-il s’étaler sur plusieurs années ?

Jonàs Trueba : J’avais envie d’aborder des thèmes qui m’intéressent, déjà présents dans mes films précédents : l’amitié, la solitude, l’amour… Mais cette-fois ci à partir de personnages adolescents qui m’en parlent de manière plus intense. J’ai eu la chance de rencontrer et me lier d’amitié avec un groupe de jeunes, donc c’était naturel, il n’y avait pas de hasard. Pour un autre film tourné en 2016, La Reconquista, j’avais déjà rencontré Candela Recio et Pablo Hoyos [deux protagonistes centraux dans Qui à part nous]. Un film en amène un autre. La Reconquista était basé sur ma propre expérience, ma perception de l’adolescence et les souvenirs mélancoliques, que j’en avais. Qui à part nous vient contredire cette vision car c’est un film ancré dans le temps présent, sans mélancolie je crois. Ce sont les jeunes personnages qui écrivent le film.

Comment avez-vous orchestré le tournage sur ces cinq années ? En jonglant avec les autres films de fiction, les temps scolaires…

J.T. : Ça n’a pas été compliqué car il n’y avait pas d’agenda, pas de nécessité. La priorité c’était le reste, tout ce qui était extérieur au film. Pour eux, leurs études, leurs vies, les voyages… Pour moi, les autres films, les cours que je donne. On faisait donc ce film de manière complètement aléatoire, pendant les vacances, les week-ends… Quand on en avait envie et quand on pouvait. C’était une règle, à laquelle on s’est tenue. Depuis Los Ilusos (2013), je garde cette liberté dans le rythme des tournages. On tourne pendant les vacances… En ayant peu de moyens, on renonce à beaucoup de choses mais on gagne la liberté de tourner comme on veut, avec qui on veut. Dans le cas de Qui à part nous, on a joui de cette liberté en pouvant tourner sur des mois, des années…

Pourquoi « que » cinq ans alors ?

J.T. : Il n’y a pas vraiment de raison. Nous n’avions pas prévu de tourner 5 ans : on ne savait même pas si on tournerait ne serait-ce qu’un an. Il n’y avait aucune prédiction. Mais en parallèle, les personnages grandissent. Ils avaient 15 ans au début du tournage. Quand ils ont 18 ans et vont voter pour la première fois, c’est un tournant. Il y a un cycle qui se termine. Là, arrive la pandémie. Ce sont deux signaux très forts qui marquent la fin de leur adolescence. La façon dont la réalité surgit conditionne cette génération de manière assez dramatique. Finalement, c’est ce qui a aussi donné une forme au film.

Vous faites souvent référence à Los Ilusos, qui est aussi le nom de votre société de production. Comment est-elle née ?

J.T. : Los Ilusos a d’abord été un film qu’on a fait entre 2009 et 2012, sorti en salles en 2013. Pour moi, bien plus que d’être mon deuxième long-métrage, c’est mon « film zéro ». Avant celui-ci, j’avais réalisé un film [Todas las canciones hablan de mi], avec un producteur, une sortie classique… Mais j’avais une certaine insatisfaction et je voulais repartir sur de nouvelles bases. Nous avons donc fabriqué un autre film, en renonçant à tout, en travaillant avec notre argent de poche, trois fois rien. À partir de cette bande d’amis, une communauté est née et a constitué une société de production qu’on a appelé Los Ilusos, comme si ce film nous avait redéfinis. On a compris qu’on pouvait faire autrement. À partir de là, on a continué à travailler sur ce même élan. On s’attache à ne pas appliquer un même moule à tous les films, chacun appelant sa propre forme de production. Nous les avons produits nous-mêmes, sans aides publiques. À chaque sortie de film, nous avons eu la chance de dégager un petit bénéfice que nous avons pu investir dans le film suivant. Ça a été le cas sur Los exilados románticos, La Reconquista et Eva en août. Nous avons pu déplacer les repères et tirer profit de ce que nous avions appris sur les films précédents et de l’argent que nous avions accumulé. Nous avons travaillé avec la même équipe technique et pratiquement les mêmes acteurs dans tous les films.

Comment Candela est-elle intervenue dans la création de Qui à part nous, au sein du groupe ?

Candela Recio : Ça fait déjà 10 ans que je connais Jonas, ce qui représente la moitié de ma vie [rires]. Pendant ces 10 ans, nous avons développé une admiration mutuelle et avons beaucoup appris l’un de l’autre. Le lien que nous avons, la façon qu’on a de s’entendre et se comprendre, tout cela a facilité la fabrication de ce film. On pouvait avoir confiance même si tout n’était pas très clair pour nous, simplement parce qu’on était ensemble. C’était une opportunité de se rencontrer, de mieux se connaitre et de relever ensemble des défis de cinéma. Quand le film démarre, toute la génération qui y participe vit un moment crucial. C’est l’amitié qui nous unit déjà qui lui permet de le faire. C’est ce qui a permis aux autres jeunes de partager cet espace de confiance et d’écoute mutuelle.

J.T. : Il y a en effet beaucoup de protagonistes qui sont arrivés sur le film via Candela et Pablo. Un premier groupe d’amis a entrainé d’autres copains. Il y a eu un processus de sélection assez minutieux et attentionné. On garde des personnes avec qui on sent qu’il y a des affinités et que cela va bien fonctionner.

Le film comporte des scènes d’intimité entre eux, qui ne paraissent pas jouées…

J.T. : Elles ne sont parfois pas jouées, on les voit tels qu’ils sont. Ils se laissent aller devant la caméra qui est comme un des membres du groupe. Ils ne sont pas en interprétation. Ils sont eux-mêmes, tout en étant conscients de la présence de cette caméra.

C.R. : Il y a comme un désir de se montrer tel qu’on est vraiment, devant la caméra. Et cela ne peut se faire que si on a une grande confiance envers la personne qui la tient. Ce sont des moments très intimes, qu’on va partager avec un public mais qu’il faut d’abord partager avec l’équipe du tournage. C’est la première barrière qu’il faut arriver à dépasser.

J.T. : C’est aussi important de ne pas leur expliquer la vie ou leur donner des leçons. C’est à eux de me donner l’autorisation d’être l’un des leurs. Mais il faut rester conscient de la différence d’âge, je n’ai pas fait semblant d’être un gamin de leur bande.

Dans les scènes plus fictionnalisées, notamment le voyage scolaire en Estrémadure, quel est le degré de participation des ados à l’écriture ?

J.T. : Je pense qu’en général, tout ce qui se dit dans le film ce sont des choses qu’ils décident de dire. C’est un pacte entre nous, qu’ils choisissent ce qui va se dire et comment le dire. On a répété les prises, on a élaboré et sophistiqué certaines séquences quand on estimait que c’était nécessaire. Par exemple, lors de cette fête dans la maison au début, tout ce qui est dit, ce sont des choses qu’ils se disaient mais on a introduit l’intimité entre elle et un garçon, ça c’est un ajout. En Estrémadure, s’ils vont dans le village c’est parce que Candela voulait parler de l’amour et que c’était peut-être plus cinématographique…

C.R. : Il y a certains aspects du film qui sont déterminées sur le moment et d’autres découlent d’un désir plus grand de créer une autre réalité. C’est une sorte de réalité alternative, on fait « comme si », on « joue à ». Par exemple, le voyage de fin d’année est arrivé au fil d’une conversation et on a finit par le matérialiser. C’est très proche de qu’on a vraiment vécu dans ces voyages-là. Dans le cas de la séquence dans mon village, on avait l’intention de raconter une histoire d’amour donc on en a créé une qui nous plaisait. On se retrouve alors dans mon village, dont on avait beaucoup parlé et qui avait quelque chose de mystérieux pour les autres. Bon, eh bien, je vous embarque tous dans mon village ! Et si j’ai envie d’avoir une histoire d’amour avec un garçon plus âgé, on va le jouer. Tiens, pourquoi lui ne viendrait-il pas au village ? On a donc construit avec un petit grain de folie, en se disant : « on va faire un film romantique, mais on va le construire nous-mêmes ».

J.T. : C’est comme si on tirait le fil des situations qui surgissaient dans les conversations, et on se demandait « Qu’est qui peut arriver d’autre ? Qu’est-ce qui nous en empêche ? » [en espagnol « Quien lo impide ? » qui est le titre original du film]. Ce titre, nous l’avons pris comme un défi : « Nous n’avons pas peur. Qu’est-ce qui nous empêche ? Pourquoi ne le ferions-nous pas ? ». À l’origine de ces scènes, il y a toujours le même pacte, celui d’une écriture orale collective qui a précédé le tournage. Il n’y a jamais eu d’écrit. Par exemple, lors du voyage de fin d’année, on se réunissait tous les matins en se disant : « Alors, qu’est-ce qu’on va tourner aujourd’hui ? ». À partir de là, on faisait des essais, puis on filmait. C’était pareil dans le village de Candela. Petit à petit, on a construit des mises en situation.

Lors du voyage scolaire, qui rassemble tout le monde, avez-vous eu le sentiment de vivre ce périple de fin d’année tel qu’il apparait à l’écran ?

J.T. : Pour moi ça a été un vrai voyage de fin d’année, et pour eux aussi je pense. Quand nous sommes partis et quand nous sommes revenus, les parents nous attendaient, exactement comme ils le feraient pour un vrai voyage scolaire [rires]. On pleurait tous, comme à la fin d’une classe verte. C’était une expérimentation provoquée, mais ce n’est pas parce que c’est provoqué que ce n’est pas vrai. C’est une façon de se comprendre soi-même en recréant des scènes, avec des choses que tu as dites, que tu aurais pu dire… C’est une façon de vivre et de donner du sens à la vie. Sans le cinéma, la vie est éphémère. On ne se rend compte de rien.

L’utilisation de la voix off dans le film va dans le sens de cette réflexivité. Comment avez-vous construit ces voix off avec les protagonistes, qui suggèrent eux-mêmes leur utilisation dans une scène clé ?

J.T. : Il y a effectivement une conversation très amusante au cours de laquelle une bande de copains s’interroge sur la manière de refléter dans le film le flux de leurs pensées. Je me suis dit qu’il serait intéressant d’appliquer cette idée immédiatement. On ne peut pas le faire sur toute la durée du film, mais c’est tout à fait possible à certains moments. J’ai donc fait un essai, pour incorporer la voix-off immédiatement après qu’ils l’ont proposée. À partir de là, j’avais envie de mettre plus de voix off. On avait déjà fait quelques essais un peu écrits, on a partagé des textes, mais c’est pas ceux qu’on a gardés dans le film. Plus tard, on est revenus sur cette idée : les comédiens avaient les images, avec leur portable chez eux, et ils se sont enregistrés.


C.R. : Oui, c’est vrai, il y avait quelques textes mais ça ne marchait pas. Ce qu’on sent quand on entend la voix off, c’est que c’est vraiment un récit a posteriori, on disait ce qu’on ressentait en découvrant les images. Chacun dit ce qu’il veut. Ça rend chaque voix off personnelle et différente. Ce sont des voix off « maison » !

J.T. : L’autre aspect qui est très important, c’est les moments où les jeunes demandent quelque chose concrètement et on essaie d’y répondre. Par exemple, un garçon a dit : « moi j’aimerais qu’on voie la solitude des jeunes quand ils sont chez eux ». Donc on l’a appelé, et on est allé le filmer dans sa chambre. On n’y arrivait pas toujours mais quand on pouvait on essayait de se mettre au service de leurs demandes.

En parlant de solitude, vous dites que le film n’est pas mélancolique ou nostalgique, en tout cas ce n’est pas « votre » nostalgie, mais on sent bien la solitude au sein d’un groupe avec le personnage de Pablo dans le voyage scolaire, qui est un sentiment typique de l’adolescence…

J.T. : Oui, cette timidité et cette solitude en étant entouré par des gens, c’est quelque chose que je comprends très bien. Pablo aussi est un très bon acteur, là où Candela est vraiment actrice, lui n’a aucun intérêt pour ce métier, il préfèrerait être de l’autre côté de la caméra. Mais il a une intuition de cinéma extrêmement précise, je le savais déjà au moment de La Reconquista. C’est pour moi un acteur bressonnien : avec très peu, il exprime des choses essentielles. Candela, elle, a plus un côté Pialat ! [rires]

Candela Recio (à droite)

Récemment on a beaucoup commenté le succès d’Euphoria, une série qui parle d’adolescence de façon très trash. Votre film fait un peu l’effet d’un anti-Euphoria, d’un anti-teen movie. Il y avait cette volonté de sortir de ce registre très cru ?

C.R. : Même dans le film, il y a des filles qui disent ça : on veut nous représenter comme des gens normaux qui ne sont pas toujours dans le drama. On avait ce désir en tournant le film, car on ne trouvait pas de modèles dans lesquels nous reconnaitre. Dans ces séries, on voit des adolescences qui ne sont pas les nôtres et qui ne sont celles de personne je crois. Pour nous c’était important de montrer d’autres types d’adolescences et qu’elles soient considérées comme assez importantes pour mériter d’être vues sur un écran de cinéma.

J.T. : C’est vrai qu’il y a une tendance à la spectacularisation des ados dans les séries qui est assez symptomatique. C’est presque impossible de voir un film avec des jeunes qui ne tuent pas quelqu’un ou qui ne se suicident pas ! On a voulu parier sur la normalité, avec tous les guillemets que l’on veut. Montrer ce qu’il y a de plus commun, de plus quotidien et qui n’est paradoxalement jamais dans les films ou les séries. C’est presque le geste le plus « révolutionnaire » du film : faire quelque chose de très « normal », très terre-à-terre. Se défaire du spectaculaire pour ne filmer que les gestes du quotidien. Ce sont des ados qui, comme moi, n’appartiennent ni à une classe sociale très élevée, ni très basse, et on a évité les problématiques communautaires qui plaisent aujourd’hui. J’avais l’impression qu’il y avait un vide immense à occuper, un manque de représentations de ce type d’adolescence.

Le film montre aussi le temps qui passe, on voit les ados changer physiquement et évoluer. Ce qui nous fait forcément penser à Richard Linklater et à son Boyhood

J.T. : J’adore Linklater, Candela aussi. Il y a beaucoup de préjugés sur lui aussi parce qu’il a très bien filmé la normalité.

C.R. : Peut-être qu’inconsciemment c’était présent dans notre imaginaire mais on n’a pas du tout essayé de faire Boyhood parce qu’il n’y a pas de personnage fictif qui grandit avec le film. La façon dont on évolue dans le film, ça vient des évènements de la vie. C’était parfois des choses importantes, et parfois d’autres toutes petites. Certains personnages de Linklater habitent un espace de façon très naturelle et qui nous plait mais ça n’a rien à voir avec notre procédé.

J.T. : En effet, le récit de Boyhood est aussi très classique et c’est ce qui en fait la beauté. Notre film a plus à voir avec l’héritage du cinéma direct, Michel Brault par exemple. En tout cas dans la forme.

« Quien lo impide », c’est une expression qu’on entend pour la première fois à la fin de La Reconquista, c’est une chanson populaire de Rafael Berrio. De quelle façon avez-vous voulu lui rendre hommage ?

J.T. : La rencontre avec Rafael Berrio était providentielle. Il apparait comme acteur dans La Reconquista, son influence perdure jusqu’à ce film et il est mort pendant le montage. Il est passé dans nos vies comme un tourbillon. C’était quelqu’un d’unique, le genre de personne dont on sait qu’on ne les oubliera jamais, qui vont nous permettre de mieux nous former, qui nous marquent… Berrio n’est pas du tout de la génération de Candela, qu’elle se soit retrouvée à 12 ans dans des bars de Madrid avec lui, c’est exceptionnel parce qu’il n’était pas à la mode, il était à la marge. Il n’a jamais fait de chanson de son époque et pour son époque. « Qui l’en empêche », la formule est devenue une espèce de phare, un leitmotiv : n’aie pas peur de te tromper.

C.R. : Oui, c’est une chanson qui était très importante pour nous, et on en n’avait même pas totalement conscience pendant le tournage du film. Elle était là aussi bien dans ce qu’on décidait de faire, dans ce courage que l’on voulait avoir mais aussi dans ce que nous subissions dans notre vie : c’était toujours là. Ce 20 juin, c’était un jour de rencontre, où l’on est ensemble, pour célébrer en musique ce qu’on était en train de faire. Les gens qui montaient sur scène faisaient ce qu’ils voulaient avec une seule règle que j’ai donnée : faire une version de « Quien lo impide ». Et tout d’un coup, Berrio s’est pointé. On ne l’avait pas prévu et il s’est créé quelque chose de très fort. On est tous très jeunes, en train de chanter une chanson que cet homme a écrit quand il était lui-même très jeune… Cette chanson des années 70-80 revêt un sens pour des gens de 17 ans en 2018. 

J.T. : En tout cas, c’est quelque chose qui est né du film et qui existe par le film.

La séquence de live sur scène est très punk, de la même que le film est aussi assez punk dans sa démarche. Là où imaginait plutôt le rap comme musique générationnelle…

J.T. :
Le film a quelque chose d’anachronique puisqu’on dialogue avec d’autres époques, avec les années 60 et 70. Mais je pense que le rock et le punk reste très présent dans cette génération qui écoute par ailleurs beaucoup de musiques urbaines. Berrio à l’époque dans les années 90 se référait au Velvet Underground ou à Bob Dylan qui n’étaient pas les stars de cette génération. Moi j’aimerais bien dialoguer avec le cinéma direct ou avec les frères Lumière, pourquoi pas ? Ils sont là, à notre service.

Est-ce que ça a donné envie à certains jeunes de continuer à faire des films ?

J.T. : Oui c’est le cas pour certains, mais la plupart font d’autres choses. Candela par exemple étudie la psychologie. Claudia va faire de la socio… Il y a beaucoup d’exemples. Mais ce que le film leur a donné, c’est une sorte d’élan.

C.R. : C’est drôle, parce que parfois on nous pose la question et je réponds : plutôt le contraire ! En revanche, l’état d’esprit du film, on l’a amené dans ce qu’on fait de nos vies : je vais faire ce que je veux, avec les gens que je choisis. Que ce soit dans la musique, le cinéma ou ailleurs.

J.T. : Ils ont vu comme le film s’est fait avec trois fois rien, un micro, une caméra… Et finalement il existe, il sort en salles, il a une certaine répercussion… Pour moi, ça c’est important et j’en suis fier. En termes de production, ces jeunes pouvaient se demandaient « comment faire quelque chose » ? Voilà : on peut y arriver à force de persévérance et d’attitude, plutôt que de talent.

Justement en termes d’état d’esprit, vous avez senti de vraies différences avec votre génération ?

J.T. : D’abord, je les sens très proches de moi, ils me font penser à mes amis quand j’étais au même âge. Ou j’aurais voulu être jeune aujourd’hui pour faire partie de leur bande mais bien sûr je sens aussi des différences. Peut-être que la plus importante, c’est qu’il y a plus de respect, de conscience des différences entre les uns et les autres, ils ont plus attentifs. Ça se voit notamment dans le film avec cette culture de la médiation, de nommer plus les choses, parler des conflits. Ça n’existait pas à mon époque.

C.R. : La jeunesse reste toujours la même : on s’aime, on se dispute de la même façon, mais c’est vrai qu’on est très conscients de nous-même et du monde. On a grandi dans un monde beaucoup plus médiatisé où toute l’information est à disposition. Autour de nous, il y a la crise et on mise sur le dialogue pour prendre soin de nous-même et nous sauver du chaos qui nous entoure.