RIDDLE OF FIRE de Weston Razooli

Plus qu’une énième virée nostalgique aux côtés d’enfants perdus dans la cambrousse américaine, Riddle of Fire (à la Quinzaine des Cinéastes) est un premier film d’une inventivité rare. L’une des belles surprises de ce Cannes 2023.

On en a vu, des films américains autour d’enfants vagabonds, comme on a déjà vu ces paysages fantasmatiques du nord des US être défrichés par les teintes pastels du 16mm. Pourtant, il suffit à Riddle of Fire de sa première séquence pour se démarquer, au travers d’un vol de console de jeu dans un entrepôt. Aussi espiègle que le trio de garnements qu’il met en scène, le montage regorge de trouvailles (notamment dans ses inserts), qui respirent d’une liberté et d’une énergie toute juvénile. Bien sûr, le jeune cinéaste Weston Razooli (dont c’est le premier long) se met pour cela à hauteur d’enfants, et adapte sa mise en scène à la pureté de leurs gestes. 

Mais au-delà de cette évidence, qui pourrait s’avérer insuffisante, le film embrasse, dès ses premiers instants, leur vision du monde, leur innocence qui entremêle le réel et l’épique d’un conte médiéval. Alors que la mère d’un des mômes est alitée des suites d’une mauvaise grippe, cette princesse n’attend que d’être réveillée de son sommeil par une tarte aux myrtilles, qui va embarquer la bande dans une suite de péripéties improbables. Dès qu’il le peut, Riddle of Fire instigue une imagerie du merveilleux, et colle à la pensée de ses jeunes chevaliers, qui remplacent les chevaux par des moto-cross, et se persuadent de l’importance d’une quête aux faibles enjeux. Nous voilà, en somme, dans une partie de Donjons & Dragons soutenue par un maître du jeu farceur, et dans laquelle les participants se laisseraient aller à toutes les extravagances qui leur passent par la tête. Pas étonnant que le réalisateur accompagne ses images d’entêtants morceaux de dungeon synth – de l’électro aux accents médiévaux, qui a vu le jour du côté des RPG.

Razooli en tire un coup d’essai aussi drôle que charmant, qui réussit à capter une magie finalement bien rare dans le domaine des premières œuvres, dont la boulimie créative peut vite se montrer indigeste. Il y a dans Riddle of Fire un équilibre impressionnant, celui dont a sans doute rêvé Stranger Things depuis ses débuts (les deux étant comparables au vu de leurs références communes, de Stand By Me aux Goonies). Derrière son amour flagrant pour ses paysages ruraux et l’imaginaire qu’ils sous-tendent, le long-métrage connecte avec finesse une culture populaire plus poreuse qu’il n’y paraît, de l’heroic fantasy au western en passant par les tropes du road movie. Cela dit, le film tient moins à ce liant qu’à la perfection de sa direction d’acteurs. Phoebe Ferro, Charlie Stover et Skyler Peters (plus tard rejoints par Lorelei Olivia Mote) laissent transparaître une alchimie à laquelle on croit de la première à la dernière minute, grâce à la latitude offerte par Weston Razooli à chaque interaction. Et c’est pour ça que Riddle of Fire est l’une des plus belles surprises de cette Quinzaine des Cinéastes : il se présente comme un terrain de jeu, un bac à sable qui renvoie le spectateur au souffle de ses dix ans, et non à une simple nostalgie confortable.