THE QUIET GIRL de Colm Bairéad

L’histoire est simple : une gamine mutique et asociale passe l’été à la ferme chez des cousins de sa mère. Le film ne l’est pas moins : une poignée de personnages, quelques décors champêtres, un récit en tranches de vies qui vont et viennent comme le cycle du jour et de la nuit. Pourtant, The Quiet Girl enquille les récompenses en festivals et se retrouve dans la short-list des Oscars après avoir fait tomber tous les records du box-office irlandais depuis sa sortie l’an dernier. Pas si simple ?  

Cáit ne parle pas ou très peu. On la découvre prendre un bain de nature, avant de regagner un domicile familial qui étouffe le spectateur en quelques plans. Le bruit des non-dits se révèle assourdissant sous la mine contrite de sa mère encore enceinte et le mutisme despotique de son père. Décision est prise de l’envoyer dans la famille maternelle, au cœur d’une campagne édénique. Au contact du couple de fermiers qui l’accueille, Cáit découvre l’évidence : celle de la candeur, de la gentillesse, de la communication par-delà les mots. Et puis, l’amour. 

Sans un bruit 
Avec sa lenteur quasi-méditative et son cadre qui murmure les pensées de ses personnages avec pudeur, The Quiet Girl ne laissait pas présager d’un hit mondial. Ajoutez un roman original (écrit par Claire Keegan) dont la renommée ne dépasse pas les frontières de l’île du pays d’Émeraude, la barrière de la langue gaélique qui conduit même les anglophones et anglophiles à regarder les sous-titres… On obtient l’outsider qui se fait regarder de haut. Le propre de la grâce, c’est de convaincre sans avoir à prononcer un mot. Ça tombe bien : Cáit n’en dit pas beaucoup. On révise nos certitudes : ce n’est pas l’histoire d’une petite fille qui s’ouvre au monde et à la parole. C’est celle du spectateur qui réapprend à écouter le silence.

The Quiet Girl (2022)

Si Cáit était sélectionnée dans Incroyable Talent, elle n’aurait rien d’autre à faire pour gagner que de se taire et remplir le vide avec le néant. Elle permettrait au jury et aux (télé)spectateurs de s’ouvrir à la mélodie de l’arrêt. Des scènes qui se répètent, des valeurs de plans qui se répondent au quasi-millimètre près et parfois à quelques minutes d’écart. Entre les deux, un monde qui a basculé. The Quiet Girl réussit un miracle : rendre le spectateur conscient de ce qu’il ne voit pas, n’entend pas. Le cinéaste nous connecte à cette fréquence élevée et hautement intime de personnes unies par une connexion profonde. On ne devient pas meilleur après le film, on se découvre meilleur qu’on ne le pensait. The Quiet Girl c’est nous, spectateurs faisant l’expérience de notre hypersensibilité dans l’environnement paisible et bienveillant de la salle obscure. « C’est compliqué de faire simple » : la problématique de l’œuvre est la vérité de tout le monde.