UN MONDE de Laura Wandel

Au programme d’hier : alerte harcèlement scolaire à « Un Certain Regard » avec la pépite belge de la sélection : Un Monde.

Ce monde, c’est le playground du titre anglais : la cour de récré où la petite Nora se pointe tous les matins en compagnie de son grand frère, Abel. Leur papa, interprété par le toujours juste Karim Leklou, les accompagne et vient les chercher à l’école tous les matins et tous les soirs, parce qu’il ne travaille pas – à l’école, on apprendra bientôt à Nora ce que c’est qu’un “chômeur”. Les enfants appellent leurs sandwiches de midi des “tartines” parce que l’on est en Belgique, mais on n’en saura pas beaucoup plus sur un contexte social qui n’intéresse pas Laura Wandel, la réalisatrice, beaucoup plus que ça. Son premier film, elle fait plutôt confiance à la mise en scène pour lui donner une autre dimension. La caméra est toujours à hauteur de Nora, Wandel collant à son héroïne comme Laszlo Nemes le faisait à ses héros dans les camps de la mort ou le Budapest d’avant-guerre. Au son, le brouhaha infernal de la cour de récré est à peine interrompu par le faux calme assourdissant de la piscine ou du gymnase, ou encore les injonctions à jouer, à suivre, à manger, à sauter… Nora a peur d’aller à l’école, et Wandel s’échine donc à transmettre cette émotion lointaine mais pas tout à fait étrangère au spectateur en collant sa petite héroïne. Depuis son point de vue, les adultes sont réduits à leurs interventions, presque en hors champ.

Quand Nora comprend qu’Abel est victime des grands de la classe, elle se retrouve vite écartelée entre son frère qui lui supplie de se taire, son père qui s’inquiète et les surveillants ou enseignants qui ont bien du mal à intervenir. Nora trouve petit à petit sa place dans cette école primaire qu’elle découvre, tente d’aider son frère comme elle peut, de maintenir son père à distance, aussi, et la mise en scène permet à ces enjeux qui pourraient petits ou enfantins saisir le spectateur aux tripes. Pour sa façon de traiter une problématique sociétale pas évidente (le harcèlement scolaire, donc) comme un thriller, Un Monde rappelle aux cinéphiles à la mémoire courte le tout aussi réussi Jusqu’à la garde (Xavier Legrand, 2017), qui appliquait un dispositif similaire aux violences domestiques. Et si le film ne dure que 73 petites minutes, rien à voir avec la paresse dont on peut soupçonner certains réalisateurs de comédies à high concept : Wandel n’avait simplement pas besoin d’une minute de plus pour nouer et dénouer les enjeux émotionnels de son intrigue. Un petit film qui restera et une jeune réalisatrice… Déjà grande.