VAL : « C’était dingue de voir notre vie mise sous forme de récit »

L’état de santé de Val Kilmer ne lui a pas permis de venir à Cannes pour défendre Val, ce documentaire sur sa vie et son oeuvre qu’il aura passé sa vie à tourner, avec les caméras qui lui passaient sous la main. Mais les réalisateurs, le Britannique Leo Scott et l’Américaine Ting Poo, s’attablaient avec les enfants Kilmer, Jack et Mercedes, pour raconter la genèse de ce film comme aucun autre.

La première question est simple : comment avez-vous fabriqué ce film ?

  • Leo Scott : ça a commencé 45 ou 50 ans en arrière, quand Val a commencé à filmer… Ensuite, ça s’est arrêté et ça a repris plusieurs fois.
  • Jack Kilmer : Leo a commencé à travailler en tant que monteur et cinéaste avec notre père sur le spectacle que mon père a monté et il où il jouait Mark Twain. Il avait des plans grandioses pour ce projet-là : du film à la tournée mondiale de la pièce…
  • Mercedes Kilmer : Il était aussi là pour documenter la fabrication, les coulisses du spectacle sur Twain.
  • JK : Puisque Leo est très talentueux et débrouillard, il pouvait aider avec toutes sortes de choses. Il y avait tous ces projets que notre père voulait faire, et Leo est resté à ses côtés contre vents et marées… Et puis avec le temps, il a découvert ce grand coffre-fort…
  • MK : Ça nous ramène à ce que disait Leo : notre père a commencé à préparer le documentaire qu’eux allaient faire il y a cinquante ans.
  • JK : Et puis à un moment, notre père nous a dit qu’il ne pouvait pas finir Twain parce qu’il avait ces boîtes pleines de rushes qui étaient là et qu’il avait besoin de les ouvrir, de peur que ses enfants soient obligés de le faire un jour, alors même qu’il ne savait pas vraiment ce qu’il y avait à l’intérieur, et qu’il avait peur qu’elles s’abîment.
  • MK : Je crois qu’il ne faisait confiance à personne et, comme le montre le film, notre père est quelqu’un de très particulier…
  • JK : Et puis nous, on a déjà du mal à utiliser nos téléphones… Qu’est-ce qu’on pourrait bien faire avec de la pellicule 16mm qui date des années 70 ? L’expérience de Leo dans la restauration de films a été déterminante.
  • LS : Je travaille dans le montage depuis 1997, ou quelque chose comme ça, et c’est une époque où tout était encore en format vidéo. J’ai fait un peu de montage manuel, au début. J’ai commencé à numériser les images de Val en 2015 et j’y ai passé peut-être neuf mois, enfermé dans mon garage avec l’aide d’un assistant génial. On a numérisé tout ce qu’on a pu sans pouvoir tout faire, parce que c’est du temps réel : il faut une heure pour numériser une heure de film. En neuf mois, avec trois systèmes distincts qui tournaient en même temps, on n’a pas pu finir !
  • Ting Poo : D’autant qu’il fallait trouver l’équipement correspondant à chaque format de pellicule ou d’enregistrement… Il y avait des cassettes hi8, des mini-DV, de la beta… Trouver le deck correspondant à chaque format était compliqué, et puis si vous en commandez sur eBay, il peut être cassé…
  • LS : Val est à la pointe de la technologie, et il l’est toujours d’ailleurs.
  • MK : Il fallait toujours qu’il ait le dernier Laserdisc…
  • LS : On en a utilisé, du Laserdisc ! On n’a jamais vraiment compté les formats différents, mais je crois que c’était quelque chose comme 28, ou 30.

Quelle quantité brute de vidéo aviez-vous sous la main, au total ?

  • TP : On avait quelque chose comme un millier d’heures de rushes, au total. Il y avait peut-être 800 heures d’archives et en plus de ça, on voulait travailler avec tous les films dans lesquels il a joué, toutes les interviews qu’il ait jamais données… Ça, on est les seuls à avoir regardé, parce qu’on n’allait pas obliger Val à se refaire tout ça ! Dès qu’on avait une scène par contre, on lui montrait – ce n’est pas comme si on lui avait montré le film fini à la fin, il était à nos côtés pendant toute la fabrication.
  • LS : C’était à nous de tout regarder pour choisir ce qui nous intéressait.
  • TP : On s’asseyait, et on regardait… Je crois qu’il y a près de 200 heures sur le tournage de Red Planet que je n’ai pas regardé, parce qu’il avait 4 caméras sur le plateau, 2 caméras DV et deux caméras HD, et que ça faisait un peu beaucoup, là… (Elle se marre, et les autres rient avec elle). Alors on a fait venir un assistant pour ramener ça à peut-être huit heures. Au final, on utilise environ 60 secondes de cette matière-là !
  • LS : Vous pourriez faire un film entier là-dessus, en fait… Et il y a plein de choses comme ça dans le film, comme un film contre la guerre en 16mm qu’il a tourné juste après Top Gun, alors qu’il faisait le tour du monde avec le film. Il y avait beaucoup de films intéressants, à leur façon, dans ces archives.
  • MK : En vérité, cette abondance d’images rendait d’autant plus difficile d’en faire une histoire qui se tient… Pour nous, sur un plan personnel, c’était dingue de voir notre vie mise sous forme de récit, voir de l’ordre émerger de ce collage des différentes vies de mon père…